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que les Anglais tâchent de nous porter pour y parvenir. Je ne les crains point et ne puis être leur adulateur. Leur jalousie est la seule chose que j’exige d’eux : ils en donnent des marques indubitables qui sont l’apologie de mes opérations, mais je n’en serai pas plus complaisant pour eux à moins que je n’en reçoive des ordres positifs de subir le joug. Alors je ne sais plus qu’obéir et laisser à d’autres le soin d’en sentir tout le poids[1] ».

Les Directeurs de la Compagnie ne pouvaient ignorer les sentiments de Dupleix à l’égard des Anglais : il avait eu l’occasion de les leur exposer à plusieurs reprises et notamment par une lettre du 15 octobre 1752, où il disait :

« La réponse [du gouverneur de Madras] vous fera connaître combien on est coupable envers eux lorsqu’on les dérange dans leurs opérations et lorsqu’on ne reçoit pas avec toute la soumission qu’ils exigent de toutes les nations du monde les injures qu’il leur plaît de faire sans la moindre crainte des suites, dans l’espérance où ils sont que leurs supérieurs approuveront toujours tout ce qui peut les conduire au but d’asservir toutes les nations. Je puis vous promettre que, tandis que j’aurai l’honneur de commander la nation, qu’ils n’effectueront point leur dessein sur elle et que je m’opposerai autant que ma situation le permettra au joug qu’ils voudraient bien nous imposer ». (A. V. 3749, fol. 33).

En s’attaquant avec cette rudesse aux prétentions de l’Angleterre à régenter le monde, Dupleix s’écartait souvent de la modération diplomatique. Il n’était pas dans ses habitudes d’atténuer sa pensée et, même dans ses rapports personnels avec Saunders, il lui arriva plus d’une fois d’employer des expressions qui n’étaient pas toujours conciliantes ni peut-être fort habiles. Mais, disait-il

  1. Lettre du 20 janvier 1753. Arch. Vers. 3749, f° 53.