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cette destruction d’un œil tranquille, mais on ne le devra qu’à la façon pusillanime de l’administration. Dieu veuille que ce ne soit pas de sitôt. »

Quelques mois plus tard, le 25 janvier 1754, Dupleix écrivait à peu près dans le même sens à un nommé Feydeau Dumesnil (B. N. 9154, p. 123) :

« Je trouve plus d’opposition de la part de mes compatriotes que de nos antagonistes et il semble que l’on affecte de faire tout ce qui peut conduire au but qu’ils se sont formés de nous chasser de l’Inde s’ils le peuvent. Je ne sais trop que dire ni que penser de cette conduite. Sans doute que le ministère est mal informé ou, s’il l’est, on veut tout sacrifier à une nation qu’il paraîtrait que l’on craindrait beaucoup, ce que je ne puis me persuader. Je ne subirai cependant un joug qu’après des ordres réitérés : c’est de quoi l’on doit être certain. Mon entêtement pourra peut-être à la fin ouvrir les yeux à ceux qui ne les tiennent fermés que par obstination et sans connaissance de cause. Le moindre dérangement fait perdre la cervelle à plusieurs. »

Dupleix ne comprenait pas qu’on attachât tant d’importance aux mécontentements de l’Angleterre ; si elle nous témoignait de la jalousie, il n’y avait qu’à suivre son exemple et passer outre, sans se soucier de ses récriminations :

« Serions-nous les seuls obligés à nous soumettre à ce qui leur convient ? Je ne puis comprendre pourquoi les Anglais auraient à ce sujet une exemption et que nous fussions obligés à nous soumettre à leur joug et à les laisser faire dans toutes les occasions qu’ils embrassent avec trop d’empressement pour nous nuire[1] ».

Aussi, écrivait-il à Duvelaër, « je n’épargnerai ni soins ni peines pour éviter l’esclavage et pour repousser tous les coups

  1. Dupleix à Montaran, 9 nov. 1753. B. N. 9151, p. 75.