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et qui ne peut revêtir que trois formes : domination, égalité ou asservissement.

Il ne semblait pas à Dupleix que la France dût se prévaloir d’une supériorité quelconque sur sa rivale : les nations qui, par amour-propre ou par flatterie populaire, prétendent au premier rang, ne se doutent pas qu’elles font aux autres une injure imméritée et qu’elles se rendent insupportables fort inutilement. Mais Dupleix admettait encore moins pour son pays une attitude de vasselage ou de dépendance ; et malheureusement, au xviiie siècle, il y avait déjà en France des hommes qui n’avaient pas assez de confiance en eux-mêmes ou dans leur pays pour traiter avec les Anglais sur un pied d’égalité. Rousseau et les philosophes, ces fourriers bénévoles de l’étranger, commençaient à corrompre et à perdre l’esprit national.

« Il est fâcheux à d’honnêtes gens de tomber sous la régie de ces sortes de fanatiques, qui par leur esprit systématique gâtent et dérangent tout. C’est bien là le point que de craindre d’exciter la jalousie de nos ennemis ; c’est vouloir subir leur joug que de penser de même. On aime mieux sans doute leur faire pitié et que souhaitent-ils de plus ? Il faut être leur pensionnaire. Pour en avoir seulement l’idée, on est traître à son roi et à la patrie ; vous pouvez le dire à qui tiendra ce langage. Au reste vous avez appris le beau ménagement que les Anglais ont eu pour nous et s’ils méritent de trouver chez nous des apologistes[1] ».

« Il est toujours bien certain qu’il y a des membres dans l’État, peut-être dans la Compagnie, qui seraient dans l’intention d’abandonner tout plutôt que d’exciter la jalousie d’une nation que l’on affecte de craindre un peu trop. Ce que vous dites à ce sujet dans votre mémoire est très en place, mais peu de gens y font attention ou n’en savent rien, ou veulent que

  1. Dupleix à son neveu, 15 février 1753. B. N. 9151, p. 39.