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vaisseaux marchands en fourmille d’exemples. L’histoire de l’Europe depuis la reine Elizabeth seulement jusqu’à nos jours nous apprend que la majeure partie de la puissance des Anglais, de leur commerce, de leurs colonies, de leurs richesses n’a d’autre fondement que la mauvaise foi et des infractions répétées aux traités les mieux cimentés et aux droits de la nature et des gens… Mais, dira-t-on, ils sont liés également par les traités comme nous. C’est une erreur ; rien ne lie les Anglais que la force vis-à-vis de leurs intérêts[1] ».

« Qu’on ne dise pas que la loi, qui nous défendait de prendre part aux querelles des princes du pays, étant commune aux Anglais et à nous, ils n’auraient pas pu contracter une alliance avec le soubab du Décan ni avec le nabab du Carnate ; il faudrait ne connaître ni les hommes en général ni les Anglais en particulier pour se payer d’une pareille réponse. Ce qu’ils ont fait en cent occasions pareilles et entre autres à Mahé, malgré les traités les plus précis et les plus solennels, aurait dû nous apprendre depuis longtemps ce que nous devons attendre d’eux, lorsqu’ils trouvent des avantages à violer les traités[2] ».

Ce qu’on doit attendre, c’est qu’ils poussent leur pointe et poursuivent leur chemin sans se soucier de ce qu’on pense de leur attitude. Qui va au but ne regarde pas à côté. Tant pis si la route a des tournants dangereux. Ils ne ménagent pas leurs rivaux ; c’est à eux de se tirer d’affaires s’ils le peuvent. Dupleix traduisait ces sentiments dans un mémoire à la Compagnie du 8 mars 1758. (B. N. 9169, p. 102-103) :

« Quand nous voyons qu’ils se mettent peu en peine de nous causer des inquiétudes ou de la jalousie.., dès qu’ils y voient le moindre jour, quelle est la raison ou la loi qui nous oblige à de plus grands égards pour eux, surtout lorsque nous gardons

  1. Réflexions de Dupleix à propos de la Convention Godeheu. B. N. 9161, p. 143.
  2. Mémoire de Dupleix, de 1759, p. 132.