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La force de nos voisins, on l’a dit bien des fois, résulte beaucoup moins de leur morgue ou de leur sans-gêne et d’un mépris complet des autres nations que d’une extrême répugnance de celles-ci à les contredire ; en France tout au moins, il semble que ce soit un manque de courtoisie et de civilité que de leur répondre non. Les Anglais qualifient fort justement cette politique de faiblesse. Il faut croire que cette crainte de déplaire et cette impuissance à résister à des sollicitations même illégitimes ne sont pas propres à notre époque : Dupleix s’en affligeait déjà, il y a près de deux siècles.

« Les Anglais, nous dit-il dans son Mémoire de 1759 (p. 184), ne se piquent point de cette modération qui nous fait si souvent sacrifier aux plus frivoles égards les plus importants intérêts, » — « Messieurs les Anglais nous prennent pour des sots et abusent des bontés que l’on a pour eux, » écrivait-il à Durocher le 6 juin 1754 (B. N. 9157, p. 392). — « On est dupe des honnêtetés que l’on fait à cette nation ; elle les attribue à la crainte de notre part. Il convient que vous lui fassiez connaître que nous ne les craignons pas. Agir autrement c’est être dupe de ses sentiments. » (Dupleix à Mainville, 27 février 1754, B. N. 9157, p. 401).

Peut-on espérer du moins que par la franchise et par une discussion loyale, en prenant comme base une justice évidente, on puisse modifier leurs sentiments ou leurs actes ? Dupleix ne le pensait pas.

« La mauvaise foi, le mensonge et les faux prétextes sont la base de leur conduite dans cette partie [c’est-à-dire dans l’Inde]. À en juger par les rameaux, le tronc [c’est-à-dire l’Angleterre elle-même] ne doit pas être exempt des mêmes titres. » — (Dupleix aux directeurs, 15 février 1753. — A. Vers. E. 3749, f° 83).

Quand on dirige sa politique d’après de tels principes,