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révéler l’importance, Dupleix pouvait hésiter entre Prévôt de la Touche et Bussy. C’étaient les deux officiers qui s’étaient le plus distingués dans les derniers événements et, malgré la hardiesse de la prise de Gingy, tout à l’honneur de Bussy, l’avantage restait encore à La Touche, dont chacun avait pu apprécier les qualités solides et constantes. Malheureusement Prévôt de la Touche était petit de taille et ne payait pas de mine ; c’était un caractère un peu sauvage, nullement communicatif et dans l’ensemble un homme du monde peu avenant. Bussy avait des côtés extérieurs plus fins, plus délicats et plus séduisants ; son esprit dégagé et original plaisait et lui attirait les sympathies ; enfin il ne considérait pas que les vertus militaires fussent exclusives de certaines qualités civiles. Il se proposa de lui-même à Dupleix pour commander nos hommes et nous représenter auprès de Muzaffer j. et tout de suite Dupleix accepta ses services. Il savait quelle était la valeur de l’homme, mais ce que nul ne pouvait prévoir, c’est que par sa politique habile autant que par ses succès militaires, Bussy allait couvrir le nom et le gouvernement de Dupleix d’une gloire immortelle. Pour tous les deux ce choix fut un heureux coup de fortune.

Dupleix rendit encore trois visites à Muzaffer j. avant son départ ; à la dernière qui eut lieu le 12 à quatre heures du soir, Muzaffer j. le revêtit de ses habits à la maure, puis l’ayant fait entrer dans son durbar ou conseil, il l’arma lui-même de son sabre, de son poignard, de son carquois et de sa rondache. Il lui fit en outre présent d’un éléphant et d’un cheval qui avait été donné par le roi de Perse à Nizam oul Moulk.

Les trois nababs prirent congé de Dupleix le lendemain ; en le quittant, le nabab de Carnoul avait les larmes aux