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acharnement. Les Maures ne se laissaient pas entourer et nous opposaient sans cesse de nouveaux rangs à percer ou à refouler. La supériorité de notre tir détermina enfin quelque fléchissement chez l’ennemi et nous pénétrâmes au milieu de son camp. Là, nouvelle résistance et les morts s’accumulaient. Enfin Nazer j., dont la conduite en cette heure suprême racheta bien des fautes, prit le parti de fuir. En hommes prudents, les nababs attendaient pour se déclarer que le sort des armes leur fournit une indication salutaire ; lorsqu’ils nous virent à peu près maîtres du terrain, ils arborèrent le drapeau convenu et nos troupes les rejoignirent au cri de Vive le Roi ! Il était alors neuf heures du matin.

Comment Nazer j. fut-il tué ? Les récits ne concordent pas. D’après ce qu’on rapporte le plus communément, ayant eu avis que les nababs s’enfermaient dans une inaction inquiétante, il serait parti pour les rappeler à leur devoir et les aurait menacés, non sans avoir donné l’ordre de mettre à mort Muzaffer j[1]. Le nabab de Cudappah, à moins que ce ne soit celui de Carnoul, lui aurait répondu avec insolence et dans la confusion qui suivit, Nazer j. aurait été blessé de quelques coups de feu sur son éléphant et précipité à terre. Sa tête fut aussitôt coupée et présentée à Muzaffer j. qui fut incontinent salué nabab et connut en moins d’un instant les fluctuations les plus extrêmes des choses humaines.

La conjuration contre Nazer j. avait réussi au-delà de toute attente. C’est un miracle qu’un secret connu de tant de personnes ait pu être observé pendant trois mois. Quoique n’ayant pas conçu lui-même le projet, Dupleix l’avait favorisé, même par des dons pécuniaires et si,

  1. L’homme chargé d’exécuter l’ordre était un des conjurés ; il ne se pressa pas et pendant ce temps ce fut Nazer j. qui fut tué.