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anglais ou des déserteurs européens. Malgré l’infériorité de ses forces et sans attendre celles que lui amenait d’Auteuil, Bussy se résolut aussitôt à l’attaque. L’ennemi se défendit beaucoup mieux qu’il ne l’avait fait dix jours auparavant ; il ne recula point devant les premiers coups de canon et poussa même la hardiesse jusqu’à s’approcher de nous à portée de pistolets. De nouvelles décharges commencèrent à mettre dans ses rangs quelque confusion et l’action se développait lentement mais sûrement à notre avantage lorsque le bruit de la canonnade se prolongeant dans le lointain fut entendu par d’Auteuil. Il précipita sa marche et bientôt après nos forces réunies se trouvant toutes en face de celles de Mahamet Ali les repoussèrent insensiblement sous les murailles de Gingy, puis dans la ville elle-même où nous entrâmes à leur suite. À ce moment, la nuit tomba et les canons qui vomissaient sur nous leur feu du haut des trois montagnes cessèrent de porter utilement.

Pour tenir l’armée en éveil, notre artillerie tonna une partie de la nuit à la clarté de la lune. D’Auteuil et Bussy n’attendaient que les premières obscurités du ciel pour attaquer les trois collines à la fois. Le Chrischnaguiri et le Chandra Dourgam ont des pentes relativement douces ; le Rajaguiri se dressait au contraire comme un phare dont il faut forcer la porte et gravir ensuite les escaliers. Comment se fait-il qu’il succomba aisément ? Quelques pétards suffirent pour faire sauter la porte ; on se rendit maître du corps de garde ; plus loin, dans tout le pourtour de la colline, nulle résistance. Nous n’avions cependant aucune intelligence dans la place et il n’y eut pas de trahison. Notre succès ne peut s’expliquer que par le désarroi moral qui s’était emparé de l’ennemi depuis le 1er septembre et surtout par son indifférence totale pour