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obligé d’en dissimuler la nature et la gravité, Dupleix semble-t-il avoir pratiqué, dans cette circonstance, les maximes qu’il exposait un jour à Bussy, lorsqu’il lui recommandait, en écrivant à la Compagnie, « d’éviter de lui laisser la moindre crainte sur les événements futurs », mais au contraire « de lui faire bien sentir les suites heureuses qui devaient être le résultat de sa conduite actuelle[1] ».

Faute d’entente préalable sur la nature de ses projets, Dupleix se trouva obligé d’agir avec ses propres moyens. Afin de mieux calmer les inquiétudes de la Compagnie, il lui déclara qu’il n’avait nul besoin de son concours financier et qu’il pouvait suffire à la tâche avec les ressources que lui offrirait le pays. La Compagnie se trouva de ce fait dégagée de toute responsabilité dans la direction financière des opérations. Il n’en fut pas tout à fait de même de l’armée. Les renforts annuels ne suffisant pas à couvrir les pertes occasionnées par la guerre, Dupleix demanda qu’on augmentât ses effectifs et il faut rendre cette justice à la Compagnie que si elle ne lui donna pas tous ceux qu’il réclamait, elle lui en envoya cependant assez pour qu’il ne fût jamais en disproportion numérique avec l’ennemi, c’est-à-dire avec les Anglais : en trois ans, elle lui envoya 2.356 hommes, alors que la moyenne annuelle était de 4 à 500. Dupleix ne fut donc nullement abandonné à son mauvais destin, comme on l’a trop souvent écrit.

L’étude des moyens financiers et militaires dont il disposa fera l’objet de ce chapitre et du chapitre suivant. Étude un peu aride, les chiffres sont toujours moroses ; mais quel intérêt n’offrent-ils pas s’ils nous permettent

  1. Dupl. à Bussy, 8 mars 1751. A. V. 3748, f° 20.