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Leur fuite n’était pas faite pour donner du cœur aux soldats[1] ; croyant la situation désespérée, ceux-ci demandèrent également à partir. Devant cette attitude, d’Auteuil tint conseil à onze heures du soir, avec Latouche et Bussy, et d’un commun accord, ils résolurent la retraite. Ce fut en vain que Chanda S. s’y opposa, faisant valoir que déjà la désaffection s’était mise dans l’armée de Nazer j. et que Morarao notamment était prêt à l’abandonner. Nos troupes levèrent silencieusement le camp le lendemain matin vers trois heures.

La retraite, commencée en pleines ténèbres, s’effectua d’abord avec confusion ; on oublia à l’arrière une quarantaine d’hommes qui furent pris avec quelques pièces de canon. Au lever du jour, Muzaffer j., jugeant sans doute que la partie était perdue pour nous ou se fiant trop aux promesses de son oncle, se laissa surprendre ou plutôt nous abandonna avec la majeure partie de sa cavalerie. Chanda S. resta courageusement pour fermer la marche. On se vit alors enveloppé de tous les côtés par des bandes de cavaliers marates, conduits par Morarao, qui selon leur méthode commencèrent à voltiger sur nos flancs sans s’engager à fond et nous poursuivirent dix heures de temps jusqu’à nos limites. Les officiers restés fidèles se comportèrent avec vigueur[2] ; ils disposèrent

  1. Ces treize officiers, au nom profondément oublié aujourd’hui, sont : St-Cyr, Dor, Justaucourt, Dargy, de la Raudiaire, Chaslon, Laurant, Dumorin des Vaux, Des Vaux l’aîné, Schonamille, Mirvault, Gassonville et Guerrier. — Schonamille était neveu de Madame Dupleix.
  2. Dans sa lettre à la Compagnie du 3 oct. 1750, dans laquelle Dupleix raconte tous ces événements avec grand détail, il cite comme s’étant spécialement distingués Villéon, d’Heramburg, Degrez, Vincent, de Cair, Véry de St-Roman, Legris, Garanger, Bock, Rufflet et deux signataires de la mutinerie, des Essards et Ste-Colombe, qui tinrent à racheter leur conduite. On retrouvera plusieurs de ces noms au cours de cette histoire.