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Le voisinage de ces deux armées, dont l’une était si nombreuse, ne pouvait qu’aboutir à une grande bataille ou à une paix immédiate. Le sort en décida autrement. Au moment où la bataille paraissait devoir se livrer, le 30 ou le 31 mars, Nazer j., soit qu’il agit de sa propre initiative, soit qu’il répondit à des propositions de son neveu Muzaffer j., lui fit savoir par le payeur de ses troupes qu’il le considérait toujours à l’égal d’un fils et qu’il était disposé à lui conserver ainsi qu’à Chanda S. les jaguirs qu’ils détenaient et à payer toutes les sommes qu’ils avaient empruntées. Tout en acceptant en principe ces propositions, Muzaffer j. répondit qu’il ne voulait rien conclure sans l’agrément de Dupleix.

Plein de joie, Dupleix voyait déjà la paix faite et les Anglais dans le malheur (Ananda, t. 6, p. 440). Une brusque bourrasque vint déranger tous ces projets. Un mécontentement sourd grondait parmi nos troupes depuis leur entrée en campagne. Les cipayes se plaignaient d’être payés avec trop de retard ou même de ne pas l’être du tout. Fait plus grave et rare dans les annales militaires, les officiers désignés pour faire la campagne se plaignaient également d’être sacrifiés à ceux de leurs prédécesseurs qui s’étaient enrichis à Tanjore ; effrayés par l’énormité des forces ennemies, ils ne croyaient pas à la possibilité de la victoire : par conséquent, pas de butin. Leur tort le plus grave fut de communiquer leurs craintes à leurs soldats, qui se virent déjà sacrifiés, décimés, condamnés à une mort inutile. Un large mouvement défaitiste agita bientôt l’armée entière et fit vaciller tous les courages : on ne parlait que de se replier sur Pondichéry. D’Auteuil fit connaître cet état d’esprit à Dupleix dans une lettre du 1er avril ; celui-ci devint tout d’un coup soucieux, et, comme s’il avait le pressentiment d’un mal-