idée de lui-même pour faire à personne des confidences qui l’eussent diminué. Ce sont pourtant à ces lettres que nous devons demander, sous quelques réserves, les traits principaux de son caractère. Or, sans exagérer la confiance[1], Dupleix ne craignait pas à l’occasion de découvrir sa pensée et de formuler ses sentiments avec une certaine brutalité. On l’a vu à plusieurs reprises au cours de cet ouvrage ; on a vu aussi que Castanier et Labourdonnais lui reprochaient l’un sa hauteur et sa vivacité, l’autre sa vanité et même sa fausseté ; est-il possible de concilier toutes ces appréciations ?
Né à l’aurore du xviiie siècle, ce siècle aimable et frivole, qui a illustré notre histoire mais a compromis nos destinées, Dupleix n’en connut jamais ni la grâce charmante ni les sophismes dangereux. Élevé loin de Paris, dans l’une des provinces les plus reculées de France, il vécut d’abord au sein de sa famille, dans un milieu d’origine bourgeoise que les idées décadentes n’avaient pas encore eu le temps de déformer, il y puisa la gravite austère des devoirs scrupuleusement conçus, puis il connut dans ses voyages ou ses études des relations féminines qui furent trop passagères pour avoir exercé sur son caractère une action durable. On aimerait à savoir ce que fut « sa maman » de Rojoux, et Madame Fossecave et Mademoiselle Vinalles, dont il avait conservé dans l’âge mûr un souvenir attendri. Ce sont autant de noms auxquels l’histoire regrette de ne pouvoir attacher la moindre fleur. Puis, jeune encore, il s’en alla loin de France, à l’âge où la personnalité de l’homme se forme, se précise et s’affirme sous la double influence des dispositions de la nature et
- ↑ Son naturel, nous dit-il, le portait à penser d’abord du bien des gens et il se déclarait l’homme du monde peut-être le moins méfiant.