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s’enfoncent tous les jours de plus en plus dans le bourbier ; dans quinze mois nous saurons qui a raison. Laissez-les donc dire et ne vous échauffez pas la bile. S’ils m’écrivent durement, je saurai leur répondre[1]. »

Tout est singulier dans cette histoire et au fond assez amusant. En même temps qu’il écrivait à Vincens la lettre qu’on vient de voir, Dupleix écrivait personnellement à Lenoir sur un ton plutôt conciliant. Il lui disait que si le P. Saldin était parti de Chandernagor, c’était de son plein gré ; personne n’avait fait sur lui la moindre pression, Dupleix lui aurait même fait plusieurs honnêtetés en l’invitant chez lui à manger et en lui faisant quelques présents de vin. Quand le père demanda à partir, ce fut spontanément et il déclara alors qu’il avait eu trop de confiance dans les pouvoirs du vicaire de Vara, lequel se déclarait aussi curé d’Hougly ; or jamais les Français n’avaient voulu reconnaître les prétentions des moines de Bandel. Dupleix se déclarait au surplus disposé à accepter le curé quel qu’il fût, jésuite ou augustin, même portugais, qui serait agréé par l’évêque de St-Thomé[2].

La sagesse commandait, sans pousser plus loin le conflit, de s’en rapporter à la décision de la Compagnie ; mais Lenoir n’était pas moins passionné que Dupleix ; peut-être même l’était-il davantage. Sans vouloir attendre les nouvelles de France, le Conseil supérieur pensa qu’en s’adressant à l’archevêque de Goa, primat des Indes, il serait plus heureux qu’avec l’évêque de St-Thomé. Il lui écrivit donc le 5 mars 1732 pour le prier de confirmer les pouvoirs des PP. Anselme et Saldin et de

  1. B. N. 8789 p. 35-36.
  2. B. N. 8789, p. 36-37.