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déposât plus les armes qu’on l’avait obligé de prendre en mains. Tout autre gouverneur que lui eut tenu la même attitude. Dupleix paraît en somme avoir eu à l’égard des Anglais les sentiments de tout Français qui a vécu avec eux dans un contact assez étroit ; il n’avait pour eux ni haine ni amitié préconçue ; entre ces deux sentiments également contraires à tout esprit national, il s’inspirait du juste égoïsme qui est la loi des peuples soucieux de leur existence. À l’occasion il souffrait trop de celui de nos voisins pour ne pas le relever avec une certaine aigreur, mais il savait qu’en jouant avec eux un jeu franc et net, on leur fait presque toujours entendre raison et que, la confiance établie, les rapports, quoique restant toujours distants par une sorte de réserve particulière à la race, s’imprègnent très vite d’une intimité discrète qui n’est pas sans charme pour les esprits délicats.


Il y avait sans doute plus de souplesse et d’abandon dans les rapports de Dupleix et de Sichterman, le chef de la loge hollandaise de Chinsura. Si les deux nations ne s’aimaient guère, les chefs se plaisaient infiniment et se faisaient de fréquentes visites au cours desquelles on réglait les affaires les plus badines comme les plus sérieuses. Rien ne vaut ces échanges d’idées où les paroles n’ont pas encore de valeur officielle ; une position n’est pas encore prise que déjà elle est abandonnée par des concessions mutuelles qu’on n’a même pas besoin de souligner. C’est sans doute au cours de ces entretiens que Dupleix et Sichterman s’intéressèrent dans une quantité d’affaires, généralement heureuses, dont aucune ne paraît avoir jeté de la froideur dans leurs relations.

Il était en principe interdit aux nationaux des deux pays de se fréquenter en leurs loges respectives, de peur