beaux jours allaient revenir et l’on pourrait penser plus librement. Il convenait seulement de se défier des vengeances lointaines et persistantes de l’ancien gouverneur. Qui sait si Lenoir de retour en Europe, n’allait pas céder à « l’humeur v’indicativc qui le possède toujours » et chercher à porter de nouveaux coups à ses ennemis de la veille ? Chacun devait s’y attendre et personne ne serait épargné[1].
Dupleix exprimait la même crainte à son frère : « Il n’y a nul doute, écrivait-il à son frère, que cet homme d’un esprit haut et remuant ne fasse son possible en Europe pour bouleverser toute l’Inde française. Rien ne le pouvait plus chagriner que d’être relevé par M. Dumas, l’homme du monde qu’il hait le plus. Aussi tu peux compter qu’il emploiera son crédit et celui de ses amis pour le culbuter et pour mettre en sa place son cher Dirois, qui lui a sacrifié son honneur cl sa réputation. »
Dupleix doutait cependant que Lenoir parvint aux fins qu’il lui supposait :
« L’affaire du Suédois, écrivait-il à Dumas le 17 août 1706, sera plus que suffisante pour empêcher M. Lenoir de faire dès l’abord montre de ce qu’il est capable. Cette fusée sera difficile à démêler. Je l’avais prévu dans le temps. Ses amis n’en croyaient rien. Je ne fais nul doute qu’à son arrivée on ne lui mette la main sur le collet et sur les urnes où il a ensablé son or et peut-être que réduit à la misère il sera sur la fin de ses jours réduit à mendier un misérable emploi, si l’incommodité que lui cause la mer jointe au chagrin dont il est rongé n’abrège ses jours. Il doit à sa présomption, à son orgueil et à son mépris pour tout le monde ce qui lui arrive aujourd’hui[2]. »
On aimerait un peu plus de modération dans la haine.