dites en même temps que toute la famille voudrait faire la même chose. Elle n’a qu’à venir, je ne me démentirai jamais à cet égard. Ne croyez donc pas m’embarrasser… j’en écris à Madame Albert. Elle peut venir en toute sécurité et ses filles trouveront mieux à s’établir. J’attendrai avec impatience votre réponse à tous pour vous apprêter des appartements. Je fais déjà travailler à plusieurs cadres de lit, afin qu’en arrivant vous ne soyez pas obligés d’aller quêter des lits chez personne. Je ne sais comment ma commère Jeanne (Madame Vincens) s’accommodera de tout cela et si elle voudra vous suivre. La mer est un obstacle qui me fait craindre sa préférence pour Pondichéry. »
Ainsi Vincens, en venant à Chandernagor, risquait d’y venir seul. La vie nouvelle qui s’ouvrait devant lui l’exposait à courir les mers pour les besoins du commerce et à ne se trouver au Bengale que fort occasionnellement. Dans ces conditions ne valait-il pas mieux laisser sa femme et sa nombreuse famille à Pondichéry, où elles avaient leurs habitudes ? Mais au moment de prendre une résolution définitive, il hésita, il différa, il ajourna. Dupleix combattit ces irrésolutions par des arguments où la passion contre Lenoir le disputait à l’intérêt pour Vincens. À ses yeux le départ de son ami, interprété comme une protestation contre la politique du gouverneur, lui porterait un coup terrible et sans doute suffisant, après tant d’autres, pour l’abattre complètement (5 juin). À un point de vue personnel, Vincens n’avait rien à gagner en restant au Conseil ; au service de la compagnie les capitaines et subrécargues étaient les seuls à s’enrichir. Les gens qu’il avait servis ne l’avaient jamais payé de retour ; il avait toujours été dupe de son bon cœur et devait surtout se défier de la Bourdonnais qui n’était qu’un beau discoureur, sur qui l’on pouvait à la rigueur être confidentiellement édifié. (13 octobre).