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Maintenant, il désirait qu’elle revint. Il éprouvait un trouble, qu’il ne cherchait pas à expliquer. Pourquoi ne revenait-elle pas ? Il n’osait pas l’appeler, la disputer à maman Fruhling. Mais qu’attendait-elle pour revenir ? Le temps passait. Il allait à chaque instant tâter la théière. Quand le thé fut froid, il n’eut plus de prétexte pour se lever, et resta immobile. Les yeux lui faisaient mal à force de fixer la lampe. L’impatience lui donnait la fièvre. Il eut les nerfs cinglés par la lueur d’un éclair, à travers les fentes des volets. Reviendrait-elle jamais ? Il se sentait engourdi et malheureux, — malheureux à se laisser mourir.

Un roulement sourd. Boum ! voilà la théière qui éclate ! C’est bien fait ! Le thé retombe en pluie, fouette les persiennes. Lisbeth est trempée, l’eau coule sur ses joues, sur son crêpe, qui déteint, qui devient pâle, pâle, et transparent comme un tulle de mariée…

Jacques sursauta : elle venait de se rasseoir, d’appuyer de nouveau son visage au sien :

— « Liebling, tu dormais ? »

Jamais encore elle ne l’avait tutoyé. Elle