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de révolte : il avait le sentiment que l’injustice passée ne serait jamais effacée, tant que serait maintenue cette suspicion contre son ami. Réaction violente, qui ne déplut pas à Antoine : elle lui était une preuve que Jacques, le vrai Jacques, renaissait. Mais, lorsque ce premier mouvement de colère fut passé, il s’employa à raisonner son cadet. Il n’eut d’ailleurs pas grand’peine à obtenir de lui la promesse qu’il ne chercherait pas à revoir Daniel. En réalité, Jacques n’y tenait pas autant qu’on aurait pu le penser. Il était encore trop sauvage pour souhaiter d’autres contacts, et l’intimité de son frère lui suffisait ; d’autant qu’Antoine s’efforçait de vivre avec lui sur un pied de simple camaraderie, sans rien qui pût marquer leur différence d’âge et moins encore l’autorité dont il avait été investi.



Dans les premiers jours de juin, Jacques, qui rentrait, vit un attroupement sous la porte cochère : la mère Fruhling venait