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sera content quand je lui raconterai que tu es venue faire ici tout ce charivari ! » Mme  de Fontanin s’était reculée.

— « Tu parles comme une fille ! »

— « Ah ? Eh bien, veux-tu que je te dise ? » riposta Noémie. « Quand une femme perd son mari, c’est sa faute ! Si Jérôme avait trouvé dans ta société ce qu’il demande sans doute ailleurs, tu n’aurais pas à courir après lui, ma belle ! »

« Est-ce que cela pourrait être vrai ? » ne put s’empêcher de penser Mme  de Fontanin. Elle était à bout de forces. Elle eut la tentation de fuir ; mais elle eut peur de se retrouver seule, sans adresse, sans aucun moyen de rappeler Jérôme. Son regard s’adoucit de nouveau.

— « Noémie, oublie ce que je t’ai dit, écoute-moi : Jenny est malade, elle a la fièvre depuis deux jours. Je suis seule. Tu es mère, tu dois savoir ce que c’est que d’attendre auprès d’une enfant qui commence une maladie… Voilà trois semaines que Jérôme n’a pas reparu, pas une seule fois ! Où est il ? Que fait il ? Il faut qu’il sache que sa fille est malade, il faut qu’il revienne ! Dis-le lui ! » Noémie secouait la tête avec un