Page:Martin du Gard - Le Cahier gris.djvu/69

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sans répondre, Mme  de Fontanin enveloppa sa cousine d’une regard profond, presque tendre, qui semblait dire ; « Pauvre âme retardée ! Tu es tout de même meilleure que ta vie ! » Mais soudain ce regard glissa jusqu’à la saillie de l’épaule, dont la chair nue, fraîche et grasse, palpitait sous les mailles de la dentelle comme un animal pris dans un filet : l’image qui surgit à ses yeux fut si précise qu’elle ferma les yeux ; une expression de haine, puis de souffrance, passa sur son visage. Alors elle dit, pour en finir, comme si son courage l’eût abandonnée :

— « Je me suis trompée, peut être… Donne-moi seulement son adresse. Ou plutôt, non, je ne demande pas que tu me dises où il est, mais préviens-le, préviens-le seulement qu’il faut que je le voie… »

Noémie redressa le buste :

— « Le prévenir ? Est-ce que je sais où il est, moi ? » Elle était devenue très rouge. « Et puis, est-ce bientôt fini, toutes ces clabauderies ? Jérôme vient me voir quelquefois ! Après ? On ne s’en cache pas ! Entre cousins ! La belle affaire ! » Son instinct lui souffla les mots qui blessent : « Il