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— « J’ai besoin de causer avec ta maman, ma mignonne ; veux-tu nous laisser un instant ? »

— « Allons, va travailler dans ta chambre, va ! » s’écria Noémie. Puis adressant à sa cousine un rire excessif : « C’est insupportable, à cet âge-là, ça commence à vouloir venir minauder au salon ! Est-ce que Jenny est comme ça ? Je dois dire que j’étais toute pareille, te souviens-tu ? Ça désespérait maman. »

Mme de Fontanin était venue pour obtenir l’adresse dont elle avait besoin. Mais, depuis son arrivée, la présence de Jérôme s’était si fort imposée à elle, l’outrage était si flagrant, la vue de Noémie, sa beauté épanouie et vulgaire lui avait paru si offensante, que, cédant encore une fois à son impulsion, elle avait pris une résolution insensée.

— « Mais assieds-toi donc, Thérèse », dit Noémie.

Au lieu de s’asseoir, Thérèse s’avança vers sa cousine et lui tendit la main. Rien de théâtral dans son geste, tant il fut spontané, tant il resta digne.

— « Noémie… », dit-elle ; et tout d’un trait : « rends-moi mon mari. » Le sourire mondain