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— « Bonjour, Nicole ; ta maman est là ? » Elle sentit peser sur elle le regard étonné de l’enfant :

— « Je vais l’appeler, tante Thérèse ! »

Mme de Fontanin resta seule dans le vestibule. Son cœur battait si fort qu’elle y avait appuyé sa main et n’osait plus la retirer. Elle s’obligea à regarder autour d’elle avec calme. La porte du salon était ouverte ; le soleil faisait chatoyer les couleurs des tentures, des tapis ; la pièce avait l’aspect négligé et coquet d’une garçonnière. « On disait que son divorce l’avait laissée sans ressources », songea Mme de Fontanin. Et cette pensée lui rappela que son mari ne lui avait pas remis d’argent depuis deux mois, qu’elle ne savait plus comment faire face aux dépenses de la maison : l’idée l’effleura que peut-être ce luxe de Noémie…

Nicole ne revenait pas. Le silence s’était fait dans l’appartement. Mme de Fontanin, de plus en plus oppressée, entra dans le salon pour s’asseoir. Le piano était ouvert ; un journal de mode était déployé sur le divan ; des cigarettes traînaient sur une table basse ; une botte d’œillets rouges emplissaient une coupe. Dès le premier coup