Page:Martin du Gard - Le Cahier gris.djvu/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mme  de Fontanin, relevant la tête, croisa son regard, elle y vit poindre quelque chose d’animal : ses lèvres d’enfant, entr’ouvertes, découvraient les dents. Après une hésitation qui parut interminable à toutes deux, la petite balbutia :

— « Si qu’on demanderait à… Madame Petit-Dutreuil ? »

Mme  de Fontanin ne l’entendit pas fondre en larmes. Elle redescendait l’escalier comme on fuit un incendie. Ce nom expliquait tout à coup cent coïncidences à peine remarquées, oubliées à mesure, qui se redressaient soudain et s’enchaînaient avec une indiscutable évidence.

Un fiacre passait, vide ; elle s’y jeta pour rentrer plus vite. Mais, au moment de donner son adresse, un désir irrésistible s’empara d’elle. Elle crut obéir au souffle de l’Esprit.

— « Rue de Monceau », cria-t-elle.

Un quart d’heure après, elle sonnait à la porte de sa cousine Noémie Petit-Dutreuil.


Ce fut une fillette d’une quinzaine d’années, blonde et fraîche, avec de larges yeux accueillants, qui lui ouvrit.