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passaient. Plusieurs fois dans la journée, Mme de Fontanin vint appuyer sa main fraîche sur le front de l’enfant. Vers le soir, défaillant de tendresse et d’anxiété, la petite s’empara de cette main, et l’embrassa sans pouvoir retenir ses larmes.

— « Tu es énervée, ma chérie… Tu dois avoir un peu de fièvre. »

Sept heures, puis huit heures sonnèrent. Mme de Fontanin attendait son fils pour se mettre à table. Jamais Daniel ne manquait un repas sans prévenir, jamais surtout il n’eût laissé sa mère et sa sœur dîner seules un dimanche. Mme de Fontanin s’accouda au balcon. Le soir était doux. De rares passants suivaient l’avenue de l’Observatoire. L’ombre s’épaisissait entre les touffes des arbres. Plusieurs fois elle crut reconnaître Daniel à sa démarche, dans la lueur des réverbères. Le tambour battit dans le jardin du Luxembourg. On ferma les grilles. La nuit était venue.

Elle mit son chapeau et courut chez les Bertier : ils étaient à la campagne depuis la veille. Daniel avait menti !

Mme de Fontanin avait l’expérience de ces mensonges-là ; mais de Daniel, son