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et lointaine ; et là il dissipa son bien en vivant dans le désordre. Après qu’il eût tout dépensé, il rentra en lui-même et dit : Je me lèverai et je m’en irai vers mon père, et je lui dirai : Mon père, j’ai péché contre le ciel et à tes yeux, je ne suis plus digne d’être appelé ton fî. Il se leva donc et s’en fut vers son père. Et comme il était encore loin, son père l’aperçut et il fut touché de compassion ; et courant à lui, il le serra dans ses bras et l’embrassa. Mais le fî lui dit : Mon père, j’ai péché contre le ciel et à tes yeux, et je ne suis plus digne d’être appelé ton fî… »

À ce moment, la douleur de Jacques fut plus forte que sa volonté : il fondit en larmes.

L’abbé changea de ton :

— « Je savais bien que tu n’étais pas gâté jusqu’au fond du cœur, mon enfant » J’ai dit ce matin ma messe pour toi. Eh bien, va comme l’Enfant prodigue, va-t’en trouver ton père, et il sera touché de compassion. Et il dira, lui aussi : Réjouissons-nous, car mon fî, que voici, était perdu, mais il est retrouvé ! »

Alors Jacques se souvint que le lustre du vestibule était illuminé pour son retour, que