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versées à cause de lui ? » Et, s’adressant de nouveau à Antoine, qui cherche l’instant d’intervenir : « Antoine, mon cher, rends-nous le service de t’occuper, pour cette nuit encore, de ce garnement. Demain, je te promets, nous t’en délivrerons. »

Il y a un flottement : Antoine s’est approché de son père ; Jacques, timidement, a relevé le front. Mais M. Thibault reprend sur un ton sans réplique :

— « Allons, tu m’entends, Antoine ? Emmène-le dans sa chambre. Ce scandale n’a que trop duré. »

Puis, dès qu’Antoine, menant Jacques devant lui, a disparu dans le couloir où les bonnes s’effacent le long du mur comme sur le chemin du poteau d’exécution, M. Thibault, les yeux toujours clos, rentre dans son cabinet et referme la porte derrière lui.

Il ne fait que traverser la pièce pour entrer dans celle où il couche. C’est la chambre de ses parents, telle qu’il l’a vue dès sa prime enfance dans le pavillon de l’usine paternelle, près de Rouen ; telle qu’il l’a héritée et apportée à Paris lorsqu’il est venu faire son droit : la commode d’acajou, les fauteuils Voltaire, les rideaux de reps bleu,