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IX


Antoine et Jacques étaient remontés dans leur fiacre. Le cheval n’avançait guère et semblait avec ses sabots jouer des castagnettes sur le macadam. Les rues étaient sombres. Une odeur de drap moisi s’évaporait dans l’obscurité de la guimbarde. Jacques pleurait. La fatigue, sans doute aussi l’accolade de cette dame au sourire maternel, le livraient enfin au remords : qu’allait-il répondre à son père ? Il se sentit défaillir ; et, se trahissant, vint appuyer sa détresse à l’épaule du frère, qui l’entoura de son bras. C’était la première fois que leurs timidités ne s’interposaient plus entre eux.

Antoine voulut parler, mais il ne parvint pas à dépouiller tout respect humain ; sa voix avait une bonhomie forcée, un peu rude :

— « Allons, mon vieux, allons… C’est fini… À quoi bon se mettre dans cet état-là… »