Page:Martin du Gard - Le Cahier gris.djvu/164

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’appartement : « Doucement, mon petite prends garde, elle a été bien malade, tu sais… »

Jacques, à travers ses larmes vite séchées, ne peut se retenir de jeter autour de lui un coup d’œil curieux : ainsi, voilà la maison de Daniel, voilà l’escalier qu’il grimpe chaque jour en revenant du lycée, le vestibule qu’il traverse ; et voilà celle dont il dit maman, avec cette étrange caresse de la voix ?

— « Et vous, Jacques », demande-t-elle, « voulez-vous m’embrasser ? »

— « Réponds donc ! » dit Antoine, souriant.

Il le pousse. Elle ouvre à demi les bras ; Jacques s’y glisse, et son front se pose là où Daniel vient si longtemps de laisser le sien. Mme  de Fontanin, pensive, effleure des doigts la petite tête rousse, et tourne vers le grand frère son visage qui voudrait sourire ; puis, comme Antoine, resté sur le seuil, semble pressé de repartir, par-dessus l’enfant qui se cramponne, elle lui tend ses deux mains à la fois, d’un geste conscient et plein de gratitude :

— « Allez, mes amis, votre père lui aussi vous attend. »