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leur fit refuser le café préparé par le patron ; et ils gagnèrent la buvette de la gare, frissonnants et à jeun.


À midi, ils avaient déjà parcouru Marseille en tous sens. L’audace leur était revenue avec le grand jour et la liberté. Jacques avait fait l’emplette d’un calepin pour écrire ses impressions, et il s’arrêtait de temps à autre, l’œil inspiré, griffonnant des notes. Ils achetèrent du pain, de la charcuterie, descendirent au port, et s’installèrent sur des rouleaux de cordages, devant les grands navires immobiles et les voiliers oscillants.

Un marin les fit lever pour dérouler ses câbles.

— « Où vont-ils donc ces bateaux-là ? » hasarda Jacques.

— « Ça dépend. Lequel ? »

— « Ce gros-là ? »

— « À Madagascar. »

— « Vrai ? On va le voir partir ? »

— « Non. Celui-là ne part que jeudi. Mais si tu veux voir un départ, faut t’amener ce soir à 5 heures : celui-ci, le La Fayette, part pour Tunis. »

Ils étaient renseignés.