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vaux. Personne ne connaît ces guerriers arrêtés en face de la salle royale, personne ne connaît leur chef, ce jeune homme dont l’air et la tournure annoncent un roi. Dans cette incertitude, on se hâte d’aller chercher Hagen de Tronei, à qui nul pays n’est étranger ; mais lui aussi n’a jamais tu ces guerriers. « À coup sûr, dit-il, ce sont des princes ou des ambassadeurs envoyés par des princes ; d’où qu’ils puissent venir, nul doute que ce ne soient de vaillants héros. » Il ne tarda pas à ajouter : « Je n’ai, à la vérité, jamais vu Sigfrid, mais je dois croire que ce ne peut être que lui qui s’avance là si noblement. C’est Sigfrid qui a dompté la race des Nibelûngen, qui a ravi à la sombre race des Schibûngen et des Nibelûngen l’immense trésor de pierres précieuses et d’or rouge et brillant, qui a soumis à sa puissance le pays et les hommes des vaincus, et enlevé au nain Alberich, dans un combat acharné, le chaperon magique qui rend invisible ; ce même Sigfrid, enfin, qui, après avoir tué un dragon, se baigna dans son sang, si bien que tout son corps se couvrit d’une espèce de corne et devint invulnérable. Hâtons-nous de bien accueillir de tels hôtes, afin de ne pas attirer sur nous la haine de ce rapide et vaillant guerrier. »

Sigfrid fut donc reçu avec magnificence et fêté royalement. De splendides tournois s’ouvrirent à la cour du roi. Chriemhilt, cachée derrière une fenêtre, contemplait le jeune et robuste héros, et le plaisir qu’elle éprouvait à le voir lui faisait oublier tous ses amusements et tous ses jeux d’autrefois avec ses compagnes, toutes les occupations agréables et paisibles qui remplissent la solitude d’une sage jeune fille. Cependant Sigfrid avait déjà passé toute une longue année à la