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poëme que nous possédons s’est écarté complètement de la donnée primitive. Au lieu de se passer dans les pays du Nord, suivant le récit de la Vilkina Saga, la scène a été transportée à Constantinople et en Italie, et l’on trouve dans le Roi Rother bon nombre de détails empruntés à la cour de Byzance, au temps de l’empereur Alexis. Ce détournement, ce remaniement de la légende originale, est dû sans doute à quelque poète du temps des croisades. Il fut de mode à cette époque, où l’imagination allemande revenait éblouie des pompes et des splendeurs orientales, de travailler à nouveau les vieux thèmes poétiques. De là ce mélange des anciennes traditions avec des idées, des sentiments et des ornements nouveaux. Le souvenir de Frédéric Barberousse apparaît en maint endroit dans ce poëme remanié du Roi Rother.

Guillaume Grimm regrette que nous ne possédions pas dans leur forme primitive la Bataille de Ravenne et la Sortie de Ecke. Ici pourtant on peut, sans trop de peine, dégager le noble et précieux métal de l’enveloppe terreuse et de la rouille dont les siècles l’ont recouvert. Il est aisé de reconnaître le génie de la poésie dans les passages qui racontent le combat ainsi que la mort de Diether et des deux fils de la reine Helche, malgré les répétitions et les ornements parasites dus à une main maladroite. Il est juste aussi de signaler le sentiment essentiellement poétique qui distingue la rencontre de Dietrich et de Ecke, leur entretien et leur combat, non moins que les plaintes arrachées à Dietrich par la mort de son ennemi.

Ce travail serait incomplet si je ne parlais pas, en finissant, d’un remaniement définitif de tous ces