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ses services avec le double empressement de l’érudit toujours prêt à se dévouer dans l’intérêt de la science, et de l’homme qui aime la France et qui est heureux de pouvoir nous témoigner sa sympathie dans cette sphère sereine de l’étude où les rivalités de la politique n’apportent point leurs ombrages.

Gœthe a dit très-justement que, pour comprendre les œuvres des poètes, il faut commencer par visiter le pays des poètes. Cette remarque est surtout vraie en ce qui concerne ces poëmes, produits d’une civilisation moins raffinée, où la marque de la nature et des objets extérieurs laisse toujours une plus profonde empreinte. Comment la pensée ne me serait-elle pas venue à Vienne de remonter le Danube au moins jusqu’à Lintz, ce vaste et mystérieux Danube dont certains épisodes de l’épopée allemande augmentaient encore pour moi le prestige ? Le fleuve témoin du passage d’Attila, présente depuis Vienne jusqu’à Lintz le caractère grave, religieux et même un peu terrible, que lui donne le poème des Nibelûngen. En contemplant ses eaux vertes et profondes, ses rives plates couvertes de bouleaux et de sapins, ses îles de sable Jaune et stérile, je me rappelais ces sirènes que l’implacable Hagen alla consulter avant de conduire l’armée bourguignonne sur l’autre bord. Rien ne saurait exprimer la solennité calme et triste d’une nuit étoilée sur ces ondes solitaires, où l’on ne rencontre, à de longs intervalles, que de grands bateaux, chargés de chênes centenaires aux racines pendantes, sur lesquels une vingtaine d’hommes silencieux se tiennent debout, les bras appuyés sur des rames énormes qui leur servent de gouvernail. Quand ils passent lente-