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Comment parler des frères Grimm sans dire un mot de Bettina d’Arnim, qui, lors de la destitution des deux illustres professeurs voulut protéger leur disgrâce ? Madame la baronne d’Arnim, ou, pour l’appeler par son vrai nom glorieux, Bettina, l’excentrique et poétique auteur de ce livre qui fit tant de bruit à Berlin il y a deux ans, et qui était si audacieusement dédié au roi de Prusse, occupe une trop grande place dans la littérature moderne de l’Allemagne, j’allais presque dire dans sa politique, pour que je ne lui consacre pas quelques lignes. Je ne pouvais passer à Berlin sans chercher à connaître l’enfant gâtée de Gœthe. Bettina est, en effet, toujours encore une enfant sérieuse, une enfant pleine de fous caprices, une enfant pétulante et pétillante d’esprit, qui triomphe à merveille de trois difficultés, d’être femme, d’être une femme allemande, et d’être une femme de plus de cinquante ans. Il y a en elle de l’artiste, du poète et du dictateur ; sa conversation fait briller une foule de rayons qui se croisent, qui s’entre-choquent, et rentrent dans la nuit pour en jaillir de nouveau avec le même manque de symétrie et de méthode. En sortant de chez Bettina, je ne pus m’empêcher d’établir un rapprochement entre ces œuvres du passé que j’étais venu chercher en Allemagne, et cette femme remarquable qui en est le présent, le présent vivant, et peut-être un peu l’avenir.

Après avoir longuement parcouru les bibliothèques et les musées, feuilleté les manuscrits et les livres, interrogé les écrivains, les penseurs et les artistes, je partis pour Leipzig. J’y arrivai en pleine foire, c’est-à-dire que, moi qui poursuivais les poèmes du moyen-âge, je rencontrai à Leipzig un vrai spectacle du moyen