Page:Martin - Poètes contemporains en Allemagne.djvu/54

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Adieu donc, mon père chéri ; hélas ! adieu, et que Dieu vous garde ! Si vous voulez me voir une fois encore, grimpez au sommet de cette montagne, et regardez de là tout au bas de la vallée profonde ; vous me verrez alors pour la dernière fois.

Adieu donc, ma mère chérie ; adieu, hélas ! et que Dieu vous garde ! C’est elle qui m’a enfanté pour la douleur, pour présenter ma poitrine à l’ennemi. Ô sort cruel ! ô sort triste et cruel !

Adieu donc, ma fiancée chérie, adieu donc, et que Dieu te garde ! Cher trésor, reprends courage ; nous aiderons à battre l’ennemi ; cher trésor, ne perds pas courage, tu n’en demeureras pas moins ma douce lumière.

Adieu donc, mon frère chéri ; adieu, hélas ! et que Dieu te garde ! puisqu’il faut qu’à présent je me sépare de toi afin d’aller combattre pour la patrie et marcher à la rencontre des ennemis de l’Allemagne, — ce qui fait pleurer plus d’une jeune fille.

Adieu donc, ma sœur chérie ; adieu, hélas ! et que Dieu te garde ! bien-aimée sœur, il faut que je te le dise, mon chagrin est tel, que je crains de défaillir. Tu m’as tant, tant aimé ! Voilà pourquoi ma désolation est si grande. Mais on entend les trompettes retentir au loin dans les vertes bruyères. Oh ! comme elles résonnent avec grâce pour nous faire quitter père et mère ! Ô sort cruel ! ô sort triste et cruel !

On entend siffler de grosses balles ; mais on en entend encore bien plus de petites. De mon cœur alors s’élance cette prière vers le Dieu du ciel : Ô Seigneur, rendez-nous la paix ! Oui, de mon cœur soudain s’élance cette prière : Ô bon Dieu du ciel, rendez-nous la paix !


Mais quand ce jeune soldat sera dans les rangs, que la charge aura sonné, que la fumée de ses premières amorces lui sera montée à la tête, qu’il aura donné une