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lenspiegel ; peuple qui croit, doute et raille gravement, naïvement, à la fois et tour à tour ! Peuple qui met le drame dans l’idylle, l’idylle dans tout. Cette idylle de chasse, par exemple, n’est-elle pas aussi un drame :


La bien-aimée du chasseur

Monté sur son cheval, le chasseur traversa la plaine en se dirigeant vers la sombre forêt ; le gibier, dont il suivait sûrement la trace, ne tarda point à devenir sa proie, et il reprit la route du logis, en entonnant le chant de chasse qu’accompagnaient les notes joyeuses et retentissantes du cor : Trara, trara, trara ! entra chez sa bien-aimée, il entra chez sa bien-aimée.

La bien-aimée l’avait aperçu de loin ; elle avait préparé le repas. Son lit était orné de fleurs, un vin généreux remplissait sa coupe. Le chasseur la serra contre sa poitrine, et s’endormit aux accords du rossignol qui chantait : Trara, trara, trara ! Il s’endormit sur le cœur de la bien-aimée.

Et quand l’alouette prit son essor au-dessus du champ, il saisit son fusil de chasse, et de nouveau, monté sur son fidèle cheval, il s’achemina vers la forêt. Alors commença la sauvage battue à travers bois et campagnes, car de nouveau le chasseur avait dépisté le gibier : Trara, trara, trara ! Et il pensait à la bien-aimée restée au logis.

Et quand enfin il chevaucha vers la maison, alors il sentit son cœur si lourd ! il lui sembla qu’il ne retrouverait plus sa bien-aimée, qu’il ne reverrait plus sa bien-aimée. Il eut beau entonner le chant de chasse, en l’accompagnant des notes joyeuses et retentissantes du cor : Trara, trara, trara ! Hélas ! la bien-aimée ne l’entendit pas !

Le chasseur entra dans sa maisonnette ; aucun repas n’était préparé ; aucun vin ne remplissait sa coupe ; nulles fleurs