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Et bienheureux celui qu’un dard empoisonné vient ainsi blesser à mort dans la fleur de la volupté ! Ceux qui portent le deuil du bonheur perdu, ceux-là, l’existence qu’ils achèvent de traîner n’est plus qu’une longue mort !


Qui a composé cette rêveuse et mélancolique ballade ? c’est Gustave Pfarrius, de Cologne, un poète qui a mis en petits drames pleins de vie et de charme une foule de traditions du Rhin. Je voudrais vous traduire ses gracieuses strophes sur la fondation de Creuznach, ou sa plaisante boutade de la botte pleine de vin vidée d’un seul trait ; mais l’heure a sonné de finir, et j’entends de toutes parts dans la vallée retentir les cloches du soir qui rappellent au logis pasteurs et troupeaux. Adieu donc, beau pays de la légende et du rêve ; continue de respecter la pensée ; continue de fleurir, d’aimer et de chanter librement sous l’œil de Dieu ; et, comme il m’arrive aujourd’hui, le faucheur, venu dès l’aube pour joncher le sol de tes épis dorés, verra descendre la nuit avant d’avoir pu ramasser toute sa moisson.


Mon livre est donc fini ; cher lecteur, au revoir :
Le mot adieu n’est pas de mon vocabulaire ;
C’est un trop triste mot ; c’est comme un froid suaire
Où l’on ensevelit l’avenir et l’espoir.

Le mot adieu me glace, il me peint tout en noir ;
Mais au revoir me charme et par lui tout s’éclaire.
Oui, même quand la mort m’enlève une âme chère,
Je ne dis point : Adieu ! je soupire : Au revoir !