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Blüten der nacht (Fleurs de la nuit), dont Alexandre Kaufmann s’était fait l’éditeur. Ce titre de Fleurs de la nuit, qui réveille des idées sombres si peu en rapport avec la grâce souriante d’une toute jeune fille, n’était malheureusement pas une invention de fantaisie. Les journées de Mathilde Binder, obligée de gagner par un dur travail le pain de la vie matérielle, étant tout entières employées aux labeurs corporels, c’est seulement, en effet, pendant la nuit, pendant les heures d’un repos si nécessaire après tant de fatigue, et pourtant si peu goûté, que purent éclore ces fleurs de la pensée, inspirées par la douleur et le désespoir, presque toujours arrosées de larmes amères. De là ce nom d’Almara dont se baptisa l’auteur. La fibre secrète, prête à se rompre, avait sincèrement vibré dans cette jeune voix, et elle devait être entendue. Les Fleurs de la nuit firent aussitôt sensation. Le savant traducteur du poète persan Hafiz, le philosophe et critique George Daumer, s’empressa de signaler la nouvelle étoile éclose au ciel de la poésie allemande. Il célébra sa bienvenue par ces trois strophes :


Sois tranquille ! tout ce qui est noble, tout ce qui est grand doit suivre un sentier pénible et sombre, jusqu’à ce qu’il arrive enfin dans l’éclatante lumière.

Sois tranquille ! je suis pour toi un prophète, un voyant : j’entrevois déjà sur ta tête le rayonnement des plus belles couronnes.

Je vois ton front sortir éblouissant de la nuit vaincue, et tout un peuple, avide de t’honorer, prosterné devant toi !


Tirons maintenant quelques fleurs de ce lugubre bouquet d’Amara George :