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arbre, sous lequel mon père a mis à mort celui que j’aimais le plus !

Alors que tous les autres arbres reposeront à la douce chaleur du soleil, toi tu demeureras éternellement glacé, éternellement froid comme mon bien-aimé !

Sous ton dôme circuleront à jamais les funèbres frissons de la tombe ; tu resteras éternellement glacé, comme l’air de ma prison.

En toi retentiront à jamais des plaintes et des gémissements aussi lugubres que mon désespoir ; tu resteras éternellement glacé comme le cœur de mon père !

Tel est l’anathème que la jeune fille lançait chaque jour sur cet arbre, jusqu’à ce qu’enfin son sort affreux et son désespoir fissent éclater son pauvre cœur.

Et depuis lors un souffle glacé règne toujours ici, quand bien même une tiède haleine circule partout alentour. — Et c’est ainsi que cet arbre reçut pour toujours le nom d’arbre glacé.

Le berger achevait à peine son récit, que la bise glaciale se mit à siffler en redoublant de rage. Moi, cependant, j’avais levé mes regards vers la tour de Leuchtenberg.

Et je crus voir la malheureuse jeune fille se tenir encore debout aux barreaux de la fenêtre fatale ; je crus l’entendre lancer encore l’anathème, la voir encore une dernière fois disparaître.

Et, aussitôt, je m’élançai hors de l’ombre maudite de cet arbre vers un chaud rayon de soleil ; et, sentant alors comme un poids se soulever de ma poitrine, je descendis rêveur dans la paisible vallée.


Mais j’entends le chant de l’alouette : c’est l’alouette du Rhin, madame Adélaïde de Stolterforth, chanoinesse de Geisenheim. Sa voix est fraîche et claire, comme celle de cette vive philomèle des sillons, qui aime à répandre son âme dans le ciel, en secouant la