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Ainsi se déroule cette fantasque, rêveuse et parfois héroïque épopée de la vie universitaire transrhénane. J’ai dit héroïque, et ne retirerai pas le mot : on sait quelle part les étudiants de 1813 prirent à l’affranchissement politique de l’Allemagne. Les professeurs, sur toute la surface du territoire, devinrent autant de Pierre l’Hermite et de saint Bernard prêchant la nouvelle croisade. J’ai consacré ailleurs un chapitre particulier aux trois poètes Schenkendorf, Théodore Kœrner et Arndt, qui ont le plus contribué par leurs chants à réveiller ce sentiment, longtemps assoupi, de l’indépendance nationale. Arndt surtout, que l’on a bien nommé un dévoreur de Français (Franzosenfresser), a poussé à l’action cette jeunesse généreuse, en lui décochant, comme autant de flèches acérées, ses strophes brûlantes de colère, de haine et de patriotisme. Ce Tyrtée moderne nous a été un rude ennemi. On peut appliquer à l’influence de ses lieder sur la délivrance de l’Allemagne le fameux mot du comte d’Artois au sujet de l’effet produit par la brochure de Chateaubriand De Buonaparte et des Bourbons. Ces lieder ont plus fait pour la cause qu’une armée de cent mille hommes. Ils l’ont créée ; ils ont ranimé l’amour du sol natal et entraîné jusqu’aux femmes dans la sainte conspiration qui devait aboutir au renversement de la domination étrangère. Elles y ont envoyé, pour héros et pour martyrs, les mères leurs fils, les jeunes filles leurs frères et leurs fiancés. Le Chant de l’épée, de Théodore Kœrner, restera comme un monument de l’enthousiasme de tout un peuple décidé à mourir pour affranchir ses foyers.

Dans un autre chapitre, nous examinerons les chants