Page:Martin - Poètes contemporains en Allemagne.djvu/334

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 326 —

quand il s’agit d’un beau crime, et surtout d’un beau criminel. Sa parole caressait, charmait, entraînait ; elle l’entraînait lui-même, et devait un jour le conduire irrésistiblement trop loin.

Je retrouve sa physionomie ainsi esquissée dans mes notes de voyage :

« Nature pleine de séduction, où l’imagination domine, et qui semble destinée à influencer les hommes par les qualités souveraines de l’orateur, par la grâce de la personne, par l’éloquence vivante du geste et de la parole. »

Les événements de 1848 devaient donner une confirmation éclatante à cet horoscope.

Si, en sa qualité d’Allemand brun, M. Kinkel avait l’enthousiasme actif et vif, M. Wolfgang Müller montrait l’enthousiasme rêveur et tendre d’un Allemand blond. Il me fit, avec une bonne grâce si chaleureuse, les honneurs de son Dusseldorf, qu’on eût dit qu’il était, relativement à Dusseldorf, à l’aurore d’une première passion. Dusseldorf possède un jardin public très-bien planté, où chantent à l’envi les rossignols ; il voulut me conduire à ce concert des rossignols, et, bien qu’il l’entendît tous les jours, il laissa voir, en l’écoutant de nouveau devant moi, une virginité, une candeur d’émotion qui me rendit presque honteux de paraître aussi peu profondément remué. Il me montra la maison de Jacobi, celle d’Immermann, en saluant d’invocations vraiment, lyriques la mémoire de ces poètes. Au soleil couchant, il me conduisit dans la campagne visiter avec lui les pauvres dont il était le médecin. « Bon monsieur Müller par-ci, bon monsieur Müller par-là ! » Il fallait voir quelle joie, quel apai-