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les sept vierges de pierre

Sur un frêle bateau, le soir d’un jour serein,
Folâtres passagers, nota descendions le Rhin.

Tout à coup le patron nous cria de l’arrière :
— Garde à vous ! car voici les Sept Vierges de pierre.

Ces vierges, dont le nom fait peur aux matelots,
Sont sept rochers dardant leur crête au sein des flots.

Près de Wésel vivaient sept sœurs riches et belles,
Mais toutes sept aussi coquettes et cruelles.

Leur seul plaisir était de captiver les cœurs,
Puis de les torturer par leurs dédains moqueurs.

Comment dire les noms de toutes les victimes ?
Le Rhin cache leurs os au fond de ses abîmes.

Dieu voulut les punir : Dieu doit punir un jour
Tout cœur lâche qui feint ou qui trompe l’amour.

De ces beaux corps sans flamme, aux cœurs déjà de pierre,
Dieu fit ces sept rochers, où l’eau croule en poussière.

Depuis ce temps, malheur, s’il porte un cœur cruel,
Malheur à tout bateau passant devant Wésel !

Fatalement poussé contre les rocs sauvages,
De morts et de débris il jonchera ces plages.

Notre patron à peine achevait ce récit,
Qu’une vieille, en tremblant, s’écria : — Dieu merci !

J’eus trois époux ; hélas ! tous trois sont dans la bière !
On ne dira donc pas que mon cœur fut de pierre.

— Dieu soit loué ! bravo ! répond maint passager ;
En fût-il autrement, nous courions grand danger !