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Ah ! si chacun pensait comme cet excellent roi qui voulait que nul souci ne vînt assombrir la lumineuse sérénité de la pensée, comme nous nous empresserions de jeter nos vaines préoccupations au fond du Rhin, cent fois plus heureux de rafraîchir nos lèvres à son vin doré !


Préférez-vous réveiller les échos du moyen âge féodal et monacal ? Les ruines qui se dressent pittoresquement le long du fleuve semblent vouloir élever à l’envi la voix pour vous raconter le passé. Vous n’avez que l’embarras du choix. Entre toutes, je traduirai seulement deux ballades que dramatisent les deux situations les plus solennelles de cette société féodale et monacale, la révolte du serf contre son seigneur, la mort du dernier moine sous les derniers débris de son couvent. Puisqu’il s’agit d’évoquer le moyen âge, commençons par emprunter la baguette magique d’Uhland :


la vengeance

Le serf a poignardé le noble seigneur : le serf, à son tour, deviendrait volontiers un chevalier.

Il l’a poignardé dans le sombre bocage ; il a englouti le cadavre dans le Rhin profond.

Il a revêtu la blanche armure, et s’est hardiment élancé sur le coursier du seigneur.

Et lorsqu’il veut traverser le pont, voilà que le coursier se cabre et recule.

Et lorsqu’il sent dans ses flancs les éperons d’or, voilà que d’un bond sauvage le coursier lance son maladroit cavalier dans le fleuve.

Des bras, des pieds, le serf rame et lutte ; mais la lourde cotte d’armes l’entraîne au fond.