Page:Martin - Poètes contemporains en Allemagne.djvu/317

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 309 —

pendant le jeune chasseur arrive et souhaite la bienvenue à l’étranger. On se met à table sous les vieux chênes. Charlemagne, dont le petit garçon retient toujours résolument l’épée, se sent de plus en plus attendri : que se passe-t-il dans le cœur du héros ? La jeune femme, qui s’était momentanément levée pour aller chercher un nouveau plat, revient avec un superbe quartier de chevreuil. L’empereur, dont la rêverie redouble depuis quelques instants, n’a pas plutôt goûté de ce mets succulent, que se levant tout à coup et se précipitant au cou de la jeune femme :

— Tu es mon Emma, s’écrie-t-il, ma fille que j’aime et que je regrette toujours ; mon Emma seule savait donner un semblable assaisonnement au chevreuil.

Je crois n’avoir pas besoin d’achever le tableau. Je crois n’avoir pas besoin non plus d’ajouter que Charlemagne ne revint pas seul à Aix-la-Chapelle.

Après Charlemagne, voici Siegfried, le principal acteur du Nibelûngen ; Siegfried dont il aurait fallu parler d’abord dans l’ordre des dates. Descendons le fleuve jusqu’à cette vieille ville de Xanten, où régnait jadis Sigismond, père de Siegfried. C’est de Xanten que ce dernier, déjà devenu célèbre par ses hauts faits, se dirigera un jour, avec une brillante escorte, vers l’antique cité de Worms, où il brûle de voir la belle Chriemhild, sœur de Gunther, l’un des chefs les plus élevés des Niflungen. Mais alors le héros sera dans toute sa force ; il s’avancera vers cette destinée tragique dont l’implacable ressentiment d’une femme deviendra le nœud. À partir de ce moment, Siegfried se trouvera directement mêlé à l’épopée dont sa figure demeure la plus chevaleresque, la plus touchante image. Que de fois, avant