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Et Charlemagne éclate en sanglots. Il est père,
Et son cœur est brisé… Mais il est empereur,
Et quand le devoir parle, il doit être sévère.
Il doit savoir frapper même son propre cœur.


Ajoutons, afin de terminer en prose, qu’Éginhardt se précipite alors aux pieds de l’empereur, non pour implorer son pardon, mais pour s’avouer coupable et demander à être seul puni. Éginhardt et Emma sont bannis loin du palais. Emma dépouille alors ses riches vêtements pour revêtir une robe d’une étoffe grossière. Ils partent et vont chercher un abri dans l’Odenwald. Leur amour mutuel les console. Cependant quelques années s’écoulent. Un jour que, selon sa coutume, l’empereur, de plus en plus sombre, se livrait à la distraction de la chasse, il se sépare involontairement de son escorte et s’égare dans la forêt. Après avoir erré longtemps, Charlemagne arrive à l’entrée d’une clairière où joue dans l’herbe un petit garçon. L’empereur s’approche de l’enfant, qui, loin de se montrer effrayé, s’élance vers l’étranger et lui ravit son épée. Le héros sourit à cette précoce audace et fait semblant de vouloir reprendre son arme ; mais le blondin s’enfuit en appelant sa mère à son secours. Arrive une belle et majestueuse jeune femme, un frais enfant suspendu à la mamelle. Elle accueille avec grâce l’étranger :

— Vous paraissez fatigué ; vous devez avoir besoin de réparer vos forces : partagez de bon cœur, comme nous vous l’offrons, notre agreste repas. Mon mari, qui, de même que vous, est parti ce matin pour la chasse, ne peut tarder à revenir.

L’étranger accepte avec joie. Un je ne sais quoi dans cette douce voix de femme le charme et l’émeut. Ce-