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Puisqu’au besoin l’amour soulèverait les pôles,
Emma doit bien pouvoir porter son Éginhardt !
Elle dit, et déjà sur ses frêles épaules,
Chargeant son cher trésor, d’un pied leste elle part.

Elle court, elle vole (oui, l’amour a des ailes !)
Et dépose Éginhardt sur le seuil opposé ;
Puis en trois bonds légers, comme en font les gazelles,
Revient. — Cherchez la place où son pas s’est posé !

À peine dans sa chambre, en face de Marie
Elle tombe à genoux : — Ô mère du Sauveur !
Au nom du doux Jésus, ô Vierge ! je vous prie.
Ayez pitié de moi, protégez mon honneur.

Cependant, je l’ai dit, l’empereur Charlemagne
Ne dormait pas non plus. Voyant poindre le jour,
Il suspend ses travaux de prochaine campagne,
Quitte son siège et jette un regard dans la cour.

Apercevant la neige : — Un bon temps pour la chasse,
Murmure-t-il ; demain nous courrons le chevreuil !
Puis regardant encore, il voit ce qui se passe…
Ah ! quel coup pour son cœur, quel coup pour son orgueil !

Dès le matin suivant, coursiers, chiens, haquenée,
Devant le palais d’Aix sont rangés avec bruit :
Le grand veneur prévoit une grande journée ;
Le grand veneur n’a pas le secret de la nuit.

Mais Charlemagne, hélas ! en sait trop le mystère.
Il s’agit bien vraiment de chasse désormais !
Quel projet couve-t-il dans son silence austère ?
Il a mandé ses preux sans retard au palais.

Les pairs sont réunis dans la salle du trône,
Car l’intérêt en cause est d’un poids capital ;