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s’est servi ; je promets, d’ailleurs, de ne pas abuser du procédé, et de terminer ma version en simple prose.


éginhardt et emma

Tout dort dans le palais du puissant Charlemagne ;
L’heure est noire et tout dort, — excepté deux amants,
Excepté l’empereur près d’entrer en campagne,
Qui s’attarde à rêver marche, assauts, campements.

D’Éginhardt et d’Emma qui ne connaît l’histoire ?
Qui déjà n’a compris que les deux amoureux
Oubliant le sommeil par cette nuit si noire
Sont ces deux beaux enfants ? Qui n’a tremblé pour eux ?

Mais Emma tout à coup aux baisers se dérobe,
S’élance à la fenêtre et, d’un œil éperdu,
Voit qu’aux cieux éclaircis déjà s’avance l’aube
Et qu’un tapis de neige est partout étendu.

Son doux regard alors de nuages se voile :
— Fille de Charlemagne, ah ! m’oublier ainsi,
Moi dont l’honneur devrait briller comme une étoile !
Éginhardt, il est temps, hélas ! de fuir d’ici !

— Calme-toi, cher amour, je pars. Mais que la neige
Est haute dans la cour ! Je tremble que mes pas
N’y marquent leur empreinte. Ah ! ce serait un piège
D’où notre doux secret ne se sauverait pas !

De la craintive Emma les pleurs alors redoublent
Et sa douleur éclate en sanglots ; puis soudain
Un rayon dissipant les ombres qui la troublent :
— Dieu m’inspire ! c’est moi qui ferai le chemin !