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Voyons, combien de temps mettrais-je à faire le tour du monde ?

— Seigneur empereur, si Votre Majesté se lève assez matin et qu’elle puisse constamment suivre pas à pas le soleil dans sa course, il lui suffira de vingt-quatre heures.

— Décidément, vous êtes un maître homme, seigneur abbé, et cette fois encore je m’avoue battu ; mais la troisième question n’est pas de celles d’où l’on puisse se tirer avec des si. Qui vous soufflera ce que je pense en ce moment, et comment pourrez-vous me prouver que cette pensée est une erreur ? Vous avez la parole, seigneur abbé.

— Seigneur empereur, Votre Majesté pense que je suis l’abbé de Saint-Gall, et elle se trompe, car je ne suis que son berger.

— Mais alors, c’est toi qui dois être l’abbé de Saint-Gall, et tu l’es désormais !

— Je ne sais pas le latin, seigneur empereur ; mais si Votre Majesté veut absolument m’accorder une faveur, je lui demande une autre grâce.

— Tu n’as qu’à parler.

— Je demande le pardon de mon bon maître.

N’est-ce pas que voilà une jolie légende ? Charlemagne s’y montre avec cet air de bonhomie un peu narquoise qui convient aux héros de l’épopée. Telle est aussi la physionomie que lui a donnée M. Gruppe dans sa trilogie épique, mais avec plus de gravité dominante. J’ai dit que je tâcherais de donner une idée de la composition de M. Gruppe. Afin de rendre l’épreuve plus complète, je vais tenter de traduire quelques strophes de son poëme dans une forme identique à celle dont il