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que ses yeux pussent plonger sans cesse dans le cloître au milieu du Rhin.

Et lorsque s’élevait le chant argentin des nonnes, il croyait distinguer dans les chœurs une chère et douce voix.

C’est ainsi que, semblable à l’abeille qui suce l’âme odorante des fleurs, le héros savourait sa tristesse, jusqu’à ce qu’enfin l’amour brisât, dans cette poitrine de fer, ce tendre cœur.


La trace de Charlemagne et de ses preux se retrouve, sous des formes et à des endroits bien divers, le long du Rhin, mais naturellement en plus grand nombre dans les parties du fleuve les plus rapprochées d’Aix-la-Chapelle et dans l’Odenwald. Un poète de Berlin, qui est en même temps un érudit fort distingué en fait de littérature grecque et latine, M. Gruppe, a consacré naguère à cette grande figure de Charlemagne une sorte de trilogie épique où les conditions de l’épopée sont parfois remplies avec un rare bonheur. J’essayerai tout à l’heure d’en reproduire un fragment. Pour montrer que le fleuve allemand par excellence n’a oublié nulle part le glorieux empereur, je veux raconter d’abord sommairement une légende originaire de la Suisse rhénane et dont le vieux chanteur Bürger a fait une délicieuse ballade. La ballade a pour titre l’Empereur et l’Abbé. Il s’agit de l’abbé de Saint-Gall. Hélas ! il serait trop long de donner une version intégrale du récit de Bürger, et l’on n’aura ici que mon analyse.

Charlemagne passait donc par Saint-Gall. Il aperçoit l’abbé qui se promenait au soleil devant son abbaye. L’abbé avait les trois mentons que Boileau donne au fameux chanoine de son Lutrin. Charlemagne aimait les hommes actifs, et notre abbé était indolent.

— Bonjour, seigneur abbé. Il paraît que les soucis