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gros volume avec ces fragments épars, récemment revêtus de la forme poétique, forme qui, pour un certain nombre d’entre eux, sera très-probablement admise et conservée, du moins en partie, dans l’agencement suprême qu’en fera l’avenir, cet éditeur définitif et parfois oublieux des collaborateurs individuels. Un pareil livre comblerait heureusement la regrettable lacune que présentent à cet égard tous nos Guides du voyageur. L’Allemagne possède déjà plus d’un ouvrage de ce genre, et, pour le choix des sujets comme pour la valeur des morceaux, il faut placer au premier rang le Rheinsagen de Karl Simrock. Simrock est par excellence une tête homérique, et, sous le rapport du sentiment épique, son recueil ne pouvait manquer d’être excellent. D’autres ont aussi publié des Rheinsagen avec une mise en œuvre nouvelle des mêmes sujets ; mais, sans vouloir contester le talent de ces écrivains, ils ont, la plupart du temps, ou trop de lyrisme subjectif, ou trop d’exubérance et de fougue, ou trop de rêverie, pour remplir avec la mesure voulue ce rôle simple, objectif, ironique et franc de rhapsode populaire. Karl Simrock a l’instinct, le don et le tact exquis de ces qualités : le domaine de l’épopée lui appartient.

Mais à côté des traditions historiques, la vallée du Rhin possède mille légendes gracieuses de piété, d’amour, fleurs délicates et naïves, semblables au vergissmeinnicht dont ses blondes jeunes filles parfument en mai (maïwein, maitrank) le vin qui croît sur ces bords. La main la moins exercée en tresse naturellement de fraîches couronnes, et tout poète rhénan en fait un bouquet. Quelques brins de muguet des bois