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dements sont assez solides pour que je ne craigne ni les vents, ni la tempête et ses éclairs : mon sombre front les brave et les domine ! Et ce que j’ai perdu en jeunesse, ne l’ai-je pas regagné en dignité ?

Et n’ai-je pas mainte salle spacieuse ? et mon portail n’est-il pas encore debout dans son éclat solide des premiers jours ? Plus d’un ici a vécu heureux ; quand donc le bonheur m’a-t-il trouvée trop exiguë ?

Et quand arrivera le terme fatal, quand ton sang refroidi s’arrêtera dans tes veines, ne te trouveras-tu pas plus fort pour le dernier combat, à cette même place où ton père fut étendu mourant, où les yeux de ta mère se roidirent ?

Et la vieille maison se tut… Et il me sembla que tous mes parents morts en sortaient tour à tour pour me supplier en faveur de leur demeure chérie ; et, dans ma poitrine aussi, je crus entendre toutes mes félicités passées élever la voix pour me crier : — Laisse la vieille maison debout ! laisse debout la vieille maison !

Cependant le maçon était parvenu jusqu’au faîte et commençait l’œuvre de destruction ; pierres et tuiles pleuvaient déjà du toit. — Arrête, cher camarade, arrête ! éloigne-toi d’ici ; je te payerai de grand cœur ta journée ; mais la vieille maison doit rester debout.


N’est-ce pas là une inspiration touchante et qui ne pouvait naître que dans un cœur simple ? La civilisation a changé tout cela. L’expropriation pour cause d’utilité publique et la spéculation parlent aujourd’hui plus haut que les plaintes de la vieille maison. En dépit des mœurs nouvelles, l’ancienne fidélité allemande revit dans ce morceau, et le cœur qui l’a dicté est un noble cœur de poète. Il est des noms qui obligent : Hebbel s’est souvenu de son homonyme Hébel, dont les poésies alémaniques ont toutes ce cachet de piété